Avis de tempête sur l’audiovisuel public : Radio France déjà dans la tourmente !
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Malgré les dénégations et les discours rassurants de nos directions, la menace d’une refonte de l’audiovisuel public se précise. Ce projet de démantèlement en règle de la radio de service public fait craindre le pire quant au devenir de nos métiers et le maintien même d’un service public radiophonique.
Le gouvernement cherche à faire plus de 10 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’Etat. Le risque d’une absorption pure et simple de la radio par la télévision dans le cadre du projet de création d’une Holding est évident, avec à la clé des réductions massives d’effectifs et de contenus et une dégradation des conditions de travail et de la qualité de nos productions.
Jeudi 27 mars, la présidente de Radio France présentait en grandes pompes le « projet stratégique 2024-2028 », projet prétendument « audio » et non radio (le mot à ne pas prononcer... mais alors quid du DAB ?) pourtant essentiellement fondé sur la distribution via les canaux numériques en misant sur la vidéo destinée aux réseaux sociaux, et sacrifiant la production radiophonique par la remise en cause des modes de production et la casse définitive de ses métiers.
Mercredi 4 avril, deux directeurs de projets étaient conjointement désignés pour accélérer le « rapprochement » à marche forcée entre Radio France et France TV. Cette double offensive simultanée vise France Info et le réseau France Bleu.
Jean-Philippe Baille (par ailleurs déjà Directeur de l’information de Radio France et directeur de France Info) se voyait ainsi confier la mission de « renforcer l’intégration » de la radio, de la télé et du site web, tandis qu’à France 3 Xavier Riboulet devait, lui, planifier le lancement de la marque commune ICI dès la rentrée de septembre, mais aussi approfondir les « coopérations éditoriales » et les « rapprochements immobiliers et opérationnels ».
Cette nouvelle organisation assume désormais le but d’un « projet éditorial commun » qui sera bel et bien piloté par un « responsable unique » : en clair, ce serait la fin de l’indépendance de France Bleu et de France info.
Car pour quelle raison autre que celle d’une réduction des dépenses y aurait-il urgence à finaliser une pseudo « holding » unanimement critiquée par cinq anciens ministres qui, lors de leur audition en commission d’enquête sur les fréquences TNT, se sont tous déclarés contre l’idée d’une fusion de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et l’INA ?
« Depuis le temps qu’on nous vend des fusions comme étant génératrices d’économies et de meilleurs fonctionnements et que tout ça va à la dérive... Le coup des économies de gestion générées par les holdings, on ne va plus me la faire. On va acheter un super immeuble qu’on peuplera avec un président, qui aura une voiture de fonction (...) et on mettra tout ça à feu et à sang ! » (Roselyne Bachelot)
« Nous sommes dans une période d’une gravité essentielle. Pour moi, la mission de l’audiovisuel public est aujourd’hui de créer des liens. Chaque minute passée à des réflexions structurelles, (...) sont à mon avis moins urgentes, moins stratégiques, qu’à réfléchir à l’air du temps et au lien, à la paix, et au respect. » (Renaud Donnedieu de Vabres)
« Ce débat est au mieux inopérant et superfétatoire, et plus probablement détestable, ou alors cela veut dire qu’on n’a aucune idée sur le rôle de l’audiovisuel, et que l’on préfère apporter sur toutes ces questions un placebo qui s’appellerait la fusion. » (Jacques Toubon)
« Aujourd’hui, je pense que la question de la contribution de l’audiovisuel public à la diversité des opinions, au pluralisme des idées, sont des sujets beaucoup plus importants que des réflexions structurelles dont on n’est absolument pas sûr qu’elle apporteraient ces fameuses synergies, et qu’elles ne seraient pas au contraire des cataplasmes un peu coûteux, un étage supplémentaire de gouvernance, qui ne garantirait pas un meilleur respect de ses principes et une meilleure utilisation de ces deniers publics. » (Fleur Pellerin)
« J’en étais arrivée à la conclusion que cette holding préalable à une fusion n’était pas indispensable. » (Rima Abdul Malak)
N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Ce ne sont pas des syndicalistes qui s’expriment mais bien d’anciens ministres aux sensibilités politiques différentes. Pourquoi donc persister alors même que la radio publique connaît des succès d’audience tant hertzien que via internet, et que l’ancien président de Radio France Jean-Noël Jeanneney est lui-même également opposé à ce projet ?
Nous apprenions lundi 15 avril l’accélération du processus législatif sous l’impulsion du président de la république, fixant l’examen du projet de loi relative à la refonte de l’audiovisuel public au 23 mai pour un vote le 24 !
Un empressement qui ne peut qu’inquiéter les salarié-es de nos entreprises, pour une transformation forcément préjudiciable à Radio France.
Mais ne nous y trompons pas, le projet de holding est tout aussi dangereux pour Radio France qu’un projet d’entreprise qui sacrifierait ce qui fait le fondement de la qualité de ce que nous produisons et émettons, et qui fragiliserait l’exercice des missions de service public assignées à Radio France.
La CGT continuera de s’opposer à la filialisation au sein d’une holding de l’entreprise unique Radio France, prélude à son démantèlement, en exigeant parallèlement un recentrage du projet stratégique sur ses fondements, à savoir la production radiophonique avec ses moyens, nos formations musicales permanentes, nos radios locales et l’indépendance de nos rédactions.
Au-delà de nos métiers, il en va de la préservation d’un service public de l’audiovisuel dans son entier, dans le respect de son indépendance éditoriale, de son identité, de sa proximité, et de la qualité de ce qu’il diffuse. Une préservation que nous devons à tous-tes nos nombreux auditeurs-trices, et à la liberté de l’expression démocratique dans notre pays.
Paris, le 23 avril 2024