Redevance : Macron le démagogue
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A peine entré en campagne, le président-candidat Emmanuel Macron n’a rien trouvé de mieux, pour frapper les esprits, que d’annoncer son intention de supprimer la redevance audiovisuelle s’il est réélu. Une mesure présentée comme favorable au pouvoir d’achat des contribuables. En réalité, c’est un jeu de dupe purement électoraliste mais qui pourrait gravement fragiliser le service public audiovisuel à un moment où nous en avons plus que jamais besoin. La redevance en France est peu élevée comparée aux voisins européens.
Sauf à ne plus vouloir financer l’audiovisuel public, ce dont il se défend et qui le placerait sur le même terrain que les candidats d’extrême-droite qu’il prétend combattre, où Emmanuel Macron trouvera-t-il les 3,7 milliards d’euros nécessaires au fonctionnement des télés et radios publiques sans la redevance ? Interrogé sur la question, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a répondu que la reprise de la consommation générerait un surcroît de TVA qui apporterait les recettes nécessaires à ce financement directement par le budget de l’Etat. Autrement dit, on compterait sur un impôt socialement très injuste, la TVA, pour compenser la disparition de la redevance. Un hypothétique tour de passe-passe fiscal qui ne trompe personne.
S’il est entendu que l’Etat a le devoir de financer l’audiovisuel public, parce que c’est un bien commun essentiel dans le débat démocratique, dans la création, face aux grands médias privés détenus par des milliardaires qui les utilisent comme instrument d’influence politique, alors c’est de toute façon, d’une manière ou d’une autre, l’argent des contribuables qui doit le financer.
L’enjeu est considérable. Supprimer la redevance (la CAP, adossée à la taxe d’habitation vouée à disparaître en 2023), taxe affectée et sanctuarisée, c’est faire basculer le financement de l’audiovisuel public dans le budget général de l’Etat et le fragiliser en le livrant aux arbitrages et aux pressions politiques.
C’est la porte grande ouverte à des réductions encore plus importantes que celles subies ces dernières années par l’audiovisuel public, au gré de la bonne ou de la mauvaise volonté d’un gouvernement, d’une majorité politique. Cela peut aussi rapidement devenir un instrument de pression sur l’audiovisuel public dont le pouvoir exécutif a parfois du mal à comprendre qu’il n’est plus “la voix de la France”. L’indépendance de l’audiovisuel public, toujours perfectible, doit être garantie. Il en va de sa crédibilité.
Seule une taxe dédiée, système en vigueur dans tous les grands pays européens qui nous entourent, est à même de garantir un financement pérenne, stable et une relative indépendance par rapport aux pouvoirs politiques successifs. Les usages quant à la télé et la radio ne cessent d’évoluer et la redevance actuelle doit le faire aussi. Tout le monde s’accorde à le dire, y compris la CGT. Mais il faut une réforme réellement progressiste qui permette de financer correctement l’audiovisuel public et ses besoins de développement tout en étant plus juste fiscalement. Des pistes existent, taxe universelle comme en Allemagne, taxe sur tous les objets connectés... S’engager sur une autre voie marquerait une volonté d’affaiblir l’audiovisuel public. Malgré les coupes budgétaires de ces dernières années, les radios et télé publiques connaissent des succès d’audience et une reconnaissance du public grâce au travail des salariés. Est-ce encore trop aux yeux d’Emmanuel Macron ? Trouve-t-il que les médias publics tiennent trop de place dans le paysage audiovisuel ? Qu’ils ne sont pas encore assez dociles politiquement ? Lui, comme tous les candidats à l’élection présidentielle doivent se positionner clairement dans ce débat en sortant de la démagogie fiscale.
LE SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL ÇA A UN COÛT MAIS ÇA N’A PAS DE PRIX !
Paris, le 14 mars 2022